JR COBB PLAQUE SON DERNIER ACCORD

Si on connaît tout de la vie de certaines stars médiatisées, beaucoup d’autres artistes passent en revanche inaperçus et demeurent dans la confidentialité.

JR Cobb est mort le 4 mai 2019 d’une crise cardiaque à l’âge de soixante quinze ans et peu de personnes de par le monde doivent savoir de qui il s’agit.

Mais pour nous, c’est différent. Car JR a officié comme guitariste au sein de l’Atlanta Rhythm Section, une formation mythique pour tous les amoureux de la musique sudiste. Pour beaucoup d’entre nous, ses membres étaient de véritables idoles en raison de leur immense talent et de leur superbe musicalité. Et si la six-cordes de Barry Bailey monopolisait l’attention, il ne faudrait pas pour autant oublier l’apport considérable de JR Cobb à ce groupe légendaire.

Lui rendre hommage ne sera que justice.

UNE ENFANCE PARTICULIÈRE

James Barney « JR » Cobb naît le 5 février 1944 à Birmingham en Alabama (les initiales JR correspondant à Junior). Ses parents s’installent ensuite à Jacksonville en Floride. Il reste fils unique jusqu’à l’âge de sept ans puis la famille s’agrandit avec l’arrivée de deux autres enfants. Malheureusement, le père abandonne le domicile conjugal et la mère se retrouve seule avec trois gosses à nourrir. N’y arrivant plus, elle demande de l’aide aux services sociaux. Les trois enfants sont placés en foyer au Baptist Children’s Home de Jacksonville.

Âgé de neuf ans, le petit JR voit son monde s’écrouler. Bien sûr, il comprend qu’il vaut mieux vivre dans cet endroit que dans la rue mais sa famille n’existe plus. Il règne au foyer une discipline quasiment militaire et les pensionnaires doivent s’occuper eux-mêmes de l’entretien de leur chambre ainsi que des parties communes. On recommande aussi aux plus âgés de se dégotter un job pour gagner un peu d’argent. JR restera dans cet établissement jusqu’à ses seize ans et en gardera certains principes comme l’assiduité au travail.

Pour occuper son temps libre, le jeune garçon écoute beaucoup la radio et apprécie la musique. Son oncle lui refile une vieille guitare acoustique et lui montre trois accords mais JR ne fait que gratter de temps en temps les cordes sans conviction.

Il poursuit ses études à la Paxon High School de Jacksonville où il sympathise avec un nommé Robert Nix (futur batteur de l’ARS). C’est à cette époque qu’il développe son intérêt pour la guitare.

L’APPEL DE LA MUSIQUE

Á la fin de sa scolarité, il devient apprenti soudeur, un métier difficile qui ne promet guère d’avenir. Quelques uns de ses collègues de boulot ont monté un groupe, The Emeralds. Ils savent qu’il joue un peu de guitare et ils lui proposent de les rejoindre.

Peu de temps après, The Emeralds deviennent The Classics mais il existe déjà un groupe qui porte ce nom. Le combo est donc rapidement rebaptisé The Classics IV avant d’entamer le circuit des soirées étudiantes et des petits clubs.

Après avoir joué quelque temps sur une Jazzmaster, le jeune JR opte pour une Telecaster avec un ampli Fender Super Reverb. Ses influences musicales lui viennent surtout de Duane Eddy, Chet Atkins et Buddy Holly. Mais l’apparition des Beatles au Ed Sullivan Show va lui ouvrir d’autres horizons.

Plein d’enthousiasme et d’espoir, il annonce à sa mère qu’il va devenir musicien professionnel. Assez sceptique, cette dernière le prévient qu’il ne gagnera jamais sa vie ainsi. Bien des années plus tard, sa maman sera la première personne à qui JR Cobb montrera son premier disque d’or décroché avec l’ARS.

Les Classics IV tournent intensément et finissent par attirer l’attention d’un associé de l’éditeur de musique Bill Lowery. L’opportunité d’enregistrer à Atlanta se concrétise et c’est là-bas que JR rencontre pour la première fois Buddy Buie (un producteur, « songwriter » et ancien manager de Roy Orbison). Les deux hommes sympathisent rapidement et se mettent à écrire des chansons ensemble, le plus souvent dans une caravane située au bord du lac Eufaula qui sert de frontière entre l’Alabama et la Géorgie. Ils pêchent à la ligne le jour et composent la nuit. Des ces séances de composition naîtront quelques hits dont « Take it back » pour Sandy Posey et « Spooky » pour les Classics IV (Buie et Cobb ayant rajouté des paroles sur ce vieil air de jazz). Ils collaboreront aussi pour un autre tube des Classics IV, « Stormy » en 1968.

UN NOUVEAU TOURNANT

En 1970, JR Cobb devient guitariste de session au Studio One de Doraville. Il est confronté à la difficulté du travail en studio (le plus souvent de nuit). Une séance coûte cher et l’enregistrement sur un magnétophone trois pistes ne pardonne pas (à la moindre faute, il faut tout recommencer). Heureusement pour lui, JR a conservé les vieux réflexes acquis au foyer et il peut ainsi se plier sans problème à la discipline indispensable pour ce genre de boulot.

Avec des anciens musiciens des Classics IV et des Candymen, il participe à la naissance de l’Atlanta Rhythm Section. Au sein de cette formation légendaire, il va composer quelques fameux morceaux, souvent avec son complice Buddy Buie (qui coécrira de nombreux titres pour l’ARS). Dans cette aventure, il va aussi découvrir deux choses : l’argent provenant des droits d’auteur et l’épuisement engendré par les tournées.

Il change également de matériel et s’offre deux Stratocaster et deux Les Paul Custom noires (certaines sont accordées en open tuning pour le jeu en slide). Il choisit la meilleure guitare électroacoustique, une Ovation. Côté ampli, il préfère les Fender en studio. Mais comme ils ne sont pas assez puissants pour la scène, il adopte la marque Peavey (quand le groupe signe un contrat de partenariat avec la firme).

Au début, JR se fait plutôt timide et cosigne peu de chansons pour les premiers albums du groupe. On compte quand même « Conversation » et « Back up against the wall » avec son pote Buddy, de solides références pour les fans de l’ARS. Sur les disques suivants, on peut relever son nom pour « It must be love », « The war is over » (avec Barry Bailey), « Who you gonna run to » et « Cuban crisis ».

Mais c’est sur « Red tape » qu’il prend son envol avec sa collaboration à « Mixed emotions », « Shangied », « Police police » et « Beautiful dreamers ».

Pour les albums « A rock and roll alternative » et « Champagne jam », il laisse sa marque sur « Don’t miss the message », l’excellent « Georgia rhythm », « Normal love » et le hit « Champagne jam ».

Il se montre aussi très productif pour “Underdog” (« Do it or die », « Indigo passion », « It’s only music » et « Spooky » de l’époque des Classics IV) et « The boys from Doraville » (« I ain’t much », « Putting my faith in love », « Silver eagle »).

Au vu de ses crédits, on peut se rendre compte qu’il excelle dans la composition de ballades. Cependant, il confessera dans une interview que ce n’est pas son style de prédilection.

Pour « Quinella », il reprend sa collaboration avec son compère Buddy Buie pour quelques morceaux bien balancés : le fabuleux « Homesick », le mélodique « Outlaw music », « Quinella » et « Southern exposure ». Du costaud !

JR Cobb collabore donc à la composition de quelques titres qui vont faire les beaux jours de l’Atlanta Rhythm Section. Avec ce groupe, il va également vivre de grands moments comme le festival de Knebworth en Angleterre et un concert mémorable à la Maison Blanche sous la présidence de Jimmy Carter en 1978, sans oublier un show au Japon en 1980.

Malheureusement, il va aussi goûter à l’amertume du déclin quand la formation connaît une sérieuse perte de vitesse. Le rock sudiste n’étant plus à la mode, « The boys from Doraville «  et « Quinella » n’ont pas explosé les ventes. L’ARS n’intéresse plus les maisons de disques.

Jusqu’en 1986, JR restera donc au sein d’un groupe moribond qui fait la course au cacheton sans enregistrer de disque. Complètement épuisé et désireux de retrouver une vie de famille, il quitte l’ARS et dit adieu à une aventure exceptionnelle qui a duré près de quatorze ans.

UNE RECONVERSION RÉUSSIE

Après avoir quitté l’ARS, JR Cobb se concentre sur l’écriture de chansons. Il va aussi travailler avec le producteur Chips Moman. Par son intermédiaire, il va enregistrer avec le super groupe de country The Highwaymen (composé de Johnny Cash, Willie Nelson, Waylon Jennings et Kris Kistofferson). Il accompagnera ces légendes sur scène pendant cinq ans dans le monde entier.

Au cours des années, JR Cobb va accumuler les récompenses pour son travail et va être admis au Georgia Music Hall Of Fame ainsi qu’à l’Alabama Music Hall Of Fame.

Après une vie consacrée à la musique, il meurt fauché par une crise cardiaque à l’âge de soixante quinze ans.

ÉTUDE DE STYLE ET HÉRITAGE MUSICAL

Même si son jeu de guitare a été un peu éclipsé par celui de Barry Bailey (qui s’occupait de la majorité des solos), JR Cobb n’en a pas moins développé un style délicat et subtil. On peut s’en rendre compte en écoutant sa Stratocaster sur la rythmique et le solo de « Spooky » ainsi que ses accords sur « Alien ».

Quant à ses interventions à la slide sur les versions live de « Champagne jam », « Another’s man woman » et « Long tall Sally », elles témoignent d’une assimilation parfaite du rock et du blues mais aussi d’une technique tout en finesse.

L’Atlanta Rhythm Section n’a jamais été réputé pour l’extravagance de ses prestations scéniques mais il est assez de rare de voir un guitariste de ce calibre se concentrer uniquement sur la musique et son rôle au sein de la formation.

Jouant souvent en rythmique, montant quelquefois en harmonie avec son complice Barry Bailey ou parsemant certains morceaux de quelques notes toujours bien amenées, JR Cobb a assuré sa mission de pilier en toute modestie.

Mais si l’ARS ne l’avait pas compté parmi ses membres, le destin du groupe aurait peut-être été différent.

JR Cobb nous laisse un souvenir nostalgique et quelques chansons inoubliables.

C’est là que le titre « Homesick » prend tout son sens.

Mais surtout, sa disparition s’inscrit dans la continuité de l’agonie d’une époque, celle des pionniers et des musiciens de talent.

Sa guitare continuera longtemps de résonner dans la nuit.

« Guitars ring through the dead of night

Scream so blue, sound so right”

Olivier Aubry


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